Depuis quelque temps, certaines banques suisses et allemandes ont appliqué discrètement des mesures identiques. Cependant, l’opinion a seulement été alertée lorsque la filiale d’UBS a confirmé l’application de taux négatifs aux clients effectuant des dépôts conséquents en francs suisses. Les banquiers commencent ainsi à répercuter sur les consommateurs la conjoncture problématique créée par les taux bas.
À travers sa politique des taux faibles, la BCE vise, à terme, à décourager les formes de placement sans risque. D’ailleurs, dans ce contexte, les dépôts ne présentent désormais aucun intérêt pour les particuliers. Selon le Financial Times, UBS Suisse envisage de poursuivre cette logique encore plus loin pour empêcher l’argent de dormir dans les comptes de ses clients.
Ainsi, la filiale d’UBS projette d’appliquer une pénalité à hauteur de 0,75 % sur tout dépôt dépassant les 2 millions CHF. Cette démarche s’inspire notamment des mesures adoptées par plusieurs établissements suisses tels que Pictet ou Julius Baer. De son côté, Crédit Suisse envisage sérieusement de prendre les mêmes dispositions.
Depuis peu, la situation se révèle particulièrement complexe pour les banques allemandes. En effet, elles ont beaucoup de difficultés à assurer leurs marges. De ce fait, la plupart des établissements bancaires et des caisses d'épargne ont dû répercuter sur leurs clients les taux négatifs appliqués par la BCE.
Cette mesure concerne le plus souvent les entreprises. Grâce à cette pratique, les banques ont la possibilité d’amortir en partie, voire entièrement, la baisse significative des taux sur les dépôts en Europe. Leurs entreprises clientes, en revanche, se retrouvent pénalisées à leurs dépens. Toutefois, cette situation risque d’affecter la majorité des clients de ces établissements financiers dans un futur proche.
D’ailleurs, certaines enseignes allemandes appliquent déjà ces mesures à leur clientèle privée, notamment sur les dépôts excédant les 100 000 euros. En 2016, la banque bavaroise de Gmund am Tegernsee était l’une des premières à le faire, en imputant un taux négatif de -40 % à ses clients particuliers les plus aisés.
Eu égard à la situation actuelle, cette pratique pourrait affecter encore plus de personnes et de produits bancaires à l’avenir, d’après l’analyse de la fédération des Volks et Raiffeisenbanken (BVR, pour banques coopératives des villes et des campagnes). De plus, la situation risque de s’aggraver si la BCE se met à renforcer sa politique de réduction des taux.
Comme l’explique la présidente de la BVR, Marija Kolak :
« Les clients comme les banques devraient se préparer à ce que la BCE décide en septembre une nouvelle baisse de son taux sur les dépôts. Compte tenu de la nouvelle situation, les banques devront prendre naturellement des décisions commerciales et nous recommandons à nos clients de reconsidérer avec leurs conseillers bancaires leurs stratégies de placement ».
Marija Kolak.
Après la Suisse et l’Allemagne, l’application des taux négatifs sur les clients risque de se répandre en Europe et de toucher davantage de profils. Il ne s’agit plus ici de frais de tenue de compte, mais d’une véritable pénalité sur les gros dépôts. Quoi qu’il en soit, ce type de frais appliqué dans l’Hexagone représente déjà, dans une certaine mesure, une forme de dissuasion contre les comptes dormants.
Pour UBS, la démarche consiste à répercuter sur ses gros clients le taux négatif de 0,75 % appliqué par la Banque nationale suisse sur les dépôts des établissements financiers présents dans le pays. Il est assez probable que cette logique gagne l’ensemble de la zone euro.
En effet, la pénalité de -0,40 % mise en place par la BCE depuis 2016 s’applique à tous les excédents de liquidité conservés dans les coffres des banques européennes. Ainsi, les banquiers allemands et français font partie des premiers à être concernés par ce problème.
Le DG de Société Générale, Frédéric Oudéa, a néanmoins tenu à calmer les inquiétudes en France :
« On est très loin de mettre en place une facturation des dépôts. Cela ne se développe d'ailleurs pas tellement en zone euro ».
Frédéric Oudéa.
Le Crédit Agricole Indosuez Wealth Management abonde également dans ce sens :
« À ce jour, nous n'avons pas de réflexion en cours sur le sujet ».
Ces propos mesurés sont notamment liés au fait que les comptes courants ne génèrent pas de rémunérations en France. L’absence de taux positif devrait, a priori, écarter la possibilité d’infliger un taux négatif aux clients. Par ailleurs, les frais dédiés à la tenue des comptes permettent d’amortir légèrement le coût des liquidités privées. Enfin, pour les entreprises, la question des gros dépôts est déjà abordée dans le cadre des négociations commerciales.
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