La crise du Covid-19 aura-t-elle raison des nouveaux acteurs du secteur bancaire ?
Depuis le confinement, les annonces de cessation d’activité s’enchaînent sur le marché des nouveaux services bancaires. La crise a en effet provoqué la fermeture de plusieurs acteurs prometteurs tels que Ditto, Ipaggo, Ferratum, Sharepay, Morning (Leclerc) ou encore C-zam (Carrefour). Ce phénomène remet ainsi en question la solidité de ces structures et la viabilité de leur modèle.
Le secteur bancaire est devenu de plus en plus concurrentiel ces dernières années. Outre les établissements financiers traditionnels, les consommateurs ont désormais la possibilité de confier leur argent à une banque en ligne ou à une néobanque. La crise actuelle a toutefois creusé les inégalités et entraîné la disparition des plus fragiles.
Le confinement a été particulièrement éprouvant pour les entreprises se rémunérant grâce aux commissions sur les paiements et autres transactions par carte bancaire. En effet, la consommation a fortement ralenti sur cette période. De ce fait, ces acteurs ont connu une baisse soudaine et conséquente, voire une suppression totale, de leurs revenus.
Recentrage stratégique en temps de crise
La liste de services bancaires récemment disparus inclut plusieurs marques développées par des acteurs issus de secteurs non bancaires comme Carrefour et Leclerc. Leurs filiales semblent d’ailleurs les plus vulnérables aux effets de la crise. Ainsi, la Macif a aussi mis fin à la distribution de son compte de dépôt en avril dernier. L’assureur s’est néanmoins engagé à maintenir le service pour les clients déjà équipés.
Selon les spécialistes, les ventes croisées se révèlent particulièrement délicates dans une relation basée sur des contacts épisodiques, souvent causés par des sinistres. Ainsi, le modèle des bancassureurs est déjà assez fragile en lui-même. Avec la crise, l’assureur a préféré se recentrer sur son cœur d’activité.
De son côté, la banque d’AXA n’est pas de cet avis, même si elle a récemment vendu sa succursale belge et transféré certaines activités au groupe Arkéa. Comme l’a indiqué la communication d’AXA Banque :
La souscription d'une assurance auto ou habitation ou une interaction de confiance lors du règlement d'un sinistre sont justement des moments propices pour proposer en rebond un produit bancaire au client.
En tout cas, bien avant la Macif, d’autres compagnies d’assurance ont déjà abandonné le secteur bancaire. Par exemple, Groupama a cédé sa branche bancaire à Orange en 2016. L’opérateur de télécommunications s’est ensuite servi de cette base pour développer Orange Bank.
Enfin, de grandes enseignes comme N26 (5 millions de clients) ont également été affectées par les effets de la pandémie. La néobanque a notamment dû recourir au chômage partiel en Allemagne et procéder à des licenciements aux États-Unis. D’après les experts, il devient désormais vital de se recentrer et de se focaliser sur la rentabilité, au lieu de poursuivre une stratégie d’expansion en cette période de crise.
Nouveau contexte concurrentiel
La cessation d’activité de C-zam a été annoncée mi-mai 2020 et sera effective à la mi-juillet. Cette fermeture a marqué les esprits en raison des grandes ambitions de Carrefour pour ce produit. Lancé en 2017, le compte sans découvert était distribué dans les supermarchés. Le groupe visait les 2 millions d’utilisateurs en 5 ans. L’offre n’a finalement réussi à séduire que 120 000 clients en 3 ans.
Les observateurs s’attendaient à la disparition de C-zam depuis déjà plusieurs mois. La crise sanitaire n’a fait qu’accélérer le processus menant inexorablement à sa faillite. En début d’année, la directrice exécutive de Carrefour, Marie Cheval, laissait déjà présager cette issue. La dirigeante a en effet évoqué auprès de l’AFP la rareté des clients concernés par cette activité.
Cette contre-performance s’explique essentiellement par l’inefficacité du service client et les soucis techniques au niveau de l’application C-zam. Ces problèmes ont été soulevés par le spécialiste des relations clients Germain Michou-Tonning.
En dehors de ce cas particulier, la multiplication des faillites vient aussi d’une crise interne dans l’univers des distributeurs de services financiers. En effet, le secteur traverse actuellement une période d’instabilité en raison de la transformation du paysage concurrentiel sur le marché des comptes bancaires.
Durant les premières années, les néobanques se démarquaient par l’originalité de leurs offres et leur soif d’innovation. Elles ont désormais tendance à uniformiser leur catalogue de produits (compte courant, carte sans frais à l’étranger…).
Ce contexte a été fatal pour des enseignes comme Ferratum, Ditto et Ipagoo, spécialisées dans les comptes multidevises. De plus, les banques classiques commencent à cibler la clientèle de leurs concurrentes. L’offre low cost. Eko (Crédit Agricole) par exemple s’aligne sur le positionnement de Nickel.