Ouverture de compte avec reconnaissance faciale : effet de mode ou véritable révolution ?
Après la reconnaissance vocale et biométrique, quelques banques proposent d’ouvrir un compte bancaire avec reconnaissance faciale. Si l’idée d'ouvrir un compte bancaire avec un "selfie" peut faire sourire, il s’agit toutefois d’une véritable avancée technologique. Maxime Chipoy, Responsable de MeilleureBanque, apporte un éclairage sur la dématérialisation des relations entre clients et banques.
MeilleureBanque : la reconnaissance faciale est-elle un bouleversement pour le secteur bancaire ou simplement un effet de mode ?
Maxime Chipoy : C’est plutôt la continuation d’un processus qui a débuté il y a plus de 20 ans aujourd’hui, avec les premières banques à distance : la dématérialisation croissante de la relation bancaire.
Celle-ci a commencé par les opérations au quotidien – virements, consultation de solde, d’abord par téléphone, puis par internet – puis par la souscription de produits de plus en plus complexes (cartes bancaires, assurances, puis finalement crédit immobilier) et nécessitant de moins en moins l’envoi « physique » des documents.
L’ouverture du compte via reconnaissance faciale ou vocale n’est que la suite de ce processus, permise par la diffusion des réseaux mobiles haut débit, et permettant au client – s’il le souhaite – de ne plus avoir.
ImportantCette tendance a été accompagnée et renforcée par l’adoption de nouvelles lois permettant ce type de pratiques, comme le règlement européen eIDAS sur la signature électronique, qui permettent l’adoption de standards européens.
Quelles en sont les limites aujourd’hui ?
La grande limite du modèle « tout-à-distance », c’est le relationnel ! Une bonne part des clients français – soit parce qu’ils ne sont pas à l’aise sur les questions financières, soit parce qu’ils estiment que leur patrimoine mérite que leur banque y consacre des ressources, continuent à apprécier le contact physique et la relation de proximité. Dès lors, il y a « 50 nuances de banques à déployer » entre une relation totalement à distance et presque anonyme, et une relation totalement en agence.
Les « chat » vidéos avec les conseillers à distance – solution qui commence à se déployer – peuvent faire partie des solutions intermédiaires.
La Société générale estime que d’ici 2020, 30% des ouvertures de comptes se feront en ligne, pensez-vous que ces d’innovations permettent vraiment de gagner du temps pour ouvrir un compte ?
Pour le client cela évite un déplacement en agence. Les horaires des agences physiques n’ont d'ailleurs que peu varié depuis des décennies, et sont peu adaptées à certains types de vie des clients (jeunes cadres dynamique par exemple, ou à l’inverse zones rurales…).
En outre, il est de plus en plus facile de scanner ses documents pour ce type d'opération. Certaines néobanques misent d’ailleurs sur le développement pratique et ergonomique des prises en photos des pièces d’identité pour ouvrir un compte bancaire.
Les nouvelles habitudes de consommation des particuliers (tout digital, tout mobile) pourraient-elles remplacer le rôle du conseiller physique ?
Oui, et c’est une vraie menace. Les banques se sont tiré une balle dans le pied, il y a 20 ans, en apprenant aux clients à faire eux-mêmes leurs opérations à distance. Tout cela pour libérer du temps de vente pour les conseillers.
Au final, beaucoup n’ont plus besoin des conseillers ! Pire encore, avec le développement d’internet, certains clients sont devenus mieux informés sur les produits bancaires que leurs propres conseillers !
Il faut rendre au conseil ses lettres de noblesse, mieux former les conseillers…Mais restons les pieds sur terre : une majorité des clients aura toujours besoin, au moins ponctuellement, d’une agence physique
Maxime Chipoy, Responsable de MeilleureBanque.
Banques en ligne, néobanques, banque traditionnelles : quels sont leurs enjeux sur ce terrain du tout digitalisé ?
L’enjeu pour les banques est de conserver la primeur de la relation avec le client ! Rester LA banque de référence dans son esprit, alors même que les offres foisonnent. Il est donc essentiel pour elles de savoir étudier leurs données bancaires pour évaluer leurs besoins et leur faire des propositions adaptées…et performantes. Le plus intéressant reste à venir !