Les épargnes forcées dues au confinement restent problématiques en France
Entre mi-mars et début juillet 2020, les ménages français ont épargné 75 milliards d’euros. Ce chiffre s’explique à la fois par l’impossibilité de consommer et la peur du chômage durant la crise sanitaire. De ce fait, les opérateurs économiques disposent actuellement d’une énorme quantité de liquidités. Cette situation n’est pas nécessairement avantageuse pour tous les acteurs concernés dans l’Hexagone.
Les consommateurs ont tendance à laisser leur argent sur leur compte bancaire lorsqu’ils ne peuvent pas dépenser. Le confinement lié à la pandémie de Covid-19 a récemment confirmé ce phénomène. Entre mars et mai derniers, les épargnes des Français ont augmenté de 20 milliards d’euros par rapport à la moyenne habituelle selon l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques). Début juillet, elles se sont établies à 75 milliards d’euros.
D’après l’institut de recherche, 15 % du montant considéré appartient à 10 % des Français les plus aisés. Ces derniers ont d’ailleurs réussi à épargner jusqu’à 3 fois plus que 50 % de la population depuis l’instauration des restrictions de déplacement.
Un retour progressif à la normale
De nombreux observateurs s’interrogent sur le devenir des liquidités amassées par les Français durant le confinement. Certains redoutent l’accumulation d’argent dormant. D’autres s’attendent à un rattrapage de la consommation. Un juste milieu est néanmoins possible entre la crainte de la thésaurisation et l’espoir d’une reprise accélérée. Selon Eric Buffandeau et Alain Tourdjman, économistes chez BPCE :
Cette épargne forcée se dégonflerait logiquement […] avec le « déconfinement » graduel et un rebond des dépenses des particuliers, tout en restant encore élevée du fait de la montée du chômage, du maintien du sentiment d’incertitude sanitaire […] voire d’une prise de recul face à la manière de consommer.
Eric Buffandeau.
Les deux spécialistes tablent notamment sur la détention de 55 milliards d’euros supplémentaires sur les comptes à vue à la fin de l’année en cours par rapport à 2019. Cet écart devrait se réduire à 36 milliards d’euros en 2021, soit un niveau similaire à celui de l’année dernière.
Par ailleurs, le taux d’épargne moyen devrait atteindre 22,2 % cette année, puis passer à 17,4 % l’an prochain. Ces chiffres restent assez élevés par rapport au taux habituel estimé à 15 %, selon les chiffres de l’Insee. Néanmoins, le montant conservé sur les comptes courants des ménages continuera de baisser progressivement sur le moyen et le long terme.
Des avis partagés sur la surépargne des ménages
Le ministre de l’Économie Bruno, Le Maire, a soulevé l’aspect problématique de tout cet argent dormant en avril dernier. Selon lui, l’écosystème français a besoin de plus d’investissement plutôt que d’épargne. L’utilisation de ces capitaux permettra de redynamiser concrètement l’économie après l’épisode dramatique du confinement.
Pour leur part, les banques relativisent l’existence de cette énorme quantité de liquidités. Elle facilite en effet la production de crédits nécessaires aux opérateurs économiques fragilisés par la crise. Certains experts évoquent le principe du « vase communicant » pour mieux appréhender cette situation. Comme l’a expliqué le responsable économie bancaire de BNP Paribas, Laurent Quignon, sur les Échos :
D'un côté, la contraction de la consommation a été extrêmement préjudiciable à certaines entreprises. De l'autre, la hausse exceptionnelle des dépôts qui en a découlé a permis aux banques de financer le prêt garanti par l'État (PGE) et de soutenir la trésorerie de ces entreprises.
Laurent Quignon.
Selon Bercy, les banques françaises ont attribué 116 milliards d’euros à 560 000 entreprises dans le cadre du PGE jusqu’à fin juillet 2020. BNP Paribas a notamment répondu à 57 000 demandes pour un montant de 15 milliards d’euros fin juin. De son côté, le Crédit Mutuel a octroyé 17,3 milliards d’euros à 108 000 sociétés. Enfin, le groupe Société Générale a débloqué 19 milliards d’euros pour 86 100 entreprises.